Une fois morte

La mort des autres me terrorise.

Souvent, j'imagine la perte d'un être aimé et je ressens cette douleur atroce.
La mort n'est tragique que pour ceux qui restent en vie.

Ma propre mort ne me tente pas. Je ne la crains pas pour autant.
Je n'ai rien à attendre d'elle ; elle ne peut donc qu'agréablement me surprendre.
Mais l'idée de ma mort me fait prendre conscience d'une chose pourtant si évidente ;
A quoi bon vivre si le jour de ma mort il n'y a personne pour m'adresser ces derniers mots :

Arrêtez les pendules, coupez le téléphone
Empêchez le chien d'aboyer avec l'os que je lui donne
Faites taire les pianos et les roulements de tambour
Sortez le cercueil avant la fin du jour.

Que les avions qui hurlent au dehors
Dessinent ces trois mots : « il est mort »
Nouez des voiles noires aux colonnes des édifices
Gantez de noir les mains des agents de police.

Il était mon nord, mon sud, mon est, mon ouest
Ma semaine de travail, mon dimanche de sieste
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson
Je croyais que l'amour jamais ne finirait : j'avais tort.

Que les étoiles se retirent, qu'on les balaye
Démontez la lune et le soleil
Videz l'océan, arrachez les forêts
Car rien de bon ne peut advenir désormais.

Adaptation d'un poème de Wystan Hugh Auden


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