Amoureuse solitaire

Quand l'amour s'installe, il installe aussi les amoureux ... ensemble.
La vie à deux sous le même toit, puis plus tard à plusieurs avec les enfants, est un schéma social qui a une longue vie devant lui ... bien plus longue que celle de l'amour.
Le couple classique a de l'avenir, malgré les preuves de son échec, parce qu'il n'a, dans l'idée des gens, pour seule altérnative que le célibat. Et le célibat signifie pour beaucoup solitude et manque d'amour.
Deux notions qui font terriblement peur et que peu de gens supporteraient.
Le couple véhicule encore l'idée qu'on se fait du bonheur. Donc forcément son contraire correspond au malheur.
Pour construire son bonheur, au delà du besoin d'amour que tout être humain ressent, il y a cette course effrénée contre la solitude. Et l'association devient vite une adresse commune, des activités communes, des projets communs, des repas communs, une routine commune et ... des individualités communes ? Tout cela, sans même se poser de questions, naturellement. Parce que quand on s'aime, on vit ensemble, c'est comme ça. Aucune autre possibilité ne traverse l'esprit. C'est d'une telle évidence. Et bien sûr, une sincère envie. Mais aussi, parce que s'aimer véritablement c'est assumer la situation qu'on a choisie à un moment donné même quand celle-ci n'est plus satisfaisante et c'est surtout affronter des problématiques qu'on n'aurait pas eues si le choix avait été différent.
On croit s'assumer quand on persévère sur la route qu'on s'est tracée même quand celle-ci devient fausse.
Donc pour beaucoup, ne pas vivre à deux signifie vivre seul sans amour.
Et s'aimer, c'est former un foyer (couple légitime partageant le même loyer et le même lit... et les mêmes rancoeurs).


Des clichés, encore des clichés !
Depuis que je suis célibataire, j'aime à dire que je vois la face cachée des couples.
Je vois le comportement des hommes envers moi, si libre et si assumée, j'écoute les confidences qu'ils me font, à moi, si empathique et si heureuse. Exemplaire et idéale. Tsss.
Nous aspirons tous à une harmonie entre ce que nous sommes au plus profond de notre être et la vie que nous nous sommes construite ; c'est la clé du bonheur. Mais chez eux, s'est opéré un décalage, soit parce que quelque chose, la routine aidant, a changé en cours de route, soit parce qu'ils se sont trompés dès le départ, (L'amour rend aveugle, c'est bien connu). Et cette harmonie a disparu dans leur ménage, les rendant quelque peu amers et leur faisant perdre leurs repères amoureux.
Je peux dire que cela me conforte dans mon choix. J'aime la vie que je mène, j'aime ma solitude. Elles m'offrent ma liberté chérie, une liberté qui n'a plus de prix.
Malgré cela, je n'ai jamais été aussi amoureuse, si profondément, sincèrement et fidèlement amoureuse, de toute ma vie que depuis que je vis seule. Parce que je peux aimer sans concession, sans contrainte, sans attentes, sans rancoeur, et sans tâche ménagère partagée. Parce que mon amour est mis à l'épreuve saine du manque de l'autre, du besoin de l'autre. Parce que les jeux de séduction persistent et que le désir est protégé de l'érosion des habitudes quotidiennes. Parce que l'amour que j'ai pour ma liberté me fait respecter celle des autres. Parce que j'ai appris à aimer. Tout simplement.
Et cet état d'esprit me pousse encore à rejeter la vie à deux comme un tue-l'amour en même temps qu'il m'a merveilleusement enseigné à en écarter les risques. (Paradoxalement, il faut croire que cette expérience va me rendre apte à revivre avec quelqu'un ;-))
L'amour se passe des conventions. L'amour a besoin de respirer pour vivre. L'amour a juste besoin d'amour.
Alors, non, être célibataire ne signifie pas vivre sans amour (et réciproquement).
Et être amoureux n'impose pas de vie commune (et réciproquement).

Combien de personnes se sentent terriblement seules et sans amour au sein même du couple qu'elles forment ? D'après ce que je constate, malheureusement beaucoup. Et pourtant, elles ne remettent pas toutes en cause les liens sacrés du mariage ... En apparence, il va sans dire ! La fidélité a été remplacée par l'hypocrisie.
A l'ère de l'individualisme, on cherche sa propre satisfaction et son épanouissement personnel. Nous sommes plus libres aujourd'hui qu'hier, beaucoup des antiques tabous sont passés dans la "normalité" tel le libertinage, la conscience et la lucidité sont exacerbées, les facteurs d'échec du couple sont connus, les tentations sont nombreuses auxquelles on ne veut plus résister, la notion d'amour éternel est relativisée, et la recherche du plaisir et du loisir est devenue prépondérante.
Et pourtant, rien n'a changé. Quand on aime, on s'oublie. Inconsciemment, le couple et davantage le mariage scellent encore à notre époque un sentiment de propriété de l'autre, et réciproquement d'appartenance. Des obligations se créent qu'on appelle "responsabilités", des engagements déclarés mais aussi tacites (les pires) se mettent en place. Le shéma social ancré dans notre inconscient collectif fait son oeuvre. Personne ne peut le nier. On reproduit à l'infini les archétypes que nous apprend notre culture et notre éducation, même en croyant s'en libérer. Par exemple, interrogez la population maquée, elle répondra que la fidélité est la condition sine qua none du bonheur du couple (y compris les personnes adultères) ainsi que les concessions (y compris les égoïstes).
L'individu a changé sans avoir su faire évoluer les codes qui régissent sa vie. Du coup, notre société crée des insatisfaits voire des malheureux. Alors on s'autorise à compenser, secrètement, le plaisir et le désir errant en dehors du foyer, et on ment pour avoir la paix.
Immanquablement, on perd l'autre de vue.
Et dans un couple, on finit par reprocher cette désharmonisation à l'autre.
Parce qu'il est plus simple de reporter la faute sur quelqu'un d'autre que d'assumer honnêtement ce qu'on est, de savoir exactement ce qu'on veut ou d'accepter qu'on a changé. (ben oui, parfois, les désirs changent et l'amour peut se faire la malle).

Alors, non, me contrediriez-vous, tous les couples ne sont pas malheureux de vivre ensemble.
Certes. Heu ... combien ? Et pour encore combien de temps ? Et pour de vrai ? Pour moi, la vie à deux ne peut rendre heureux (je veux dire, heureux à mort, heureux totalement, heureux à fond, bref ...) que les vais tempéraments fusionnels ainsi que leurs vrais opposés, de moins en moins nombreux sur cette terre. Tous les autres à mon avis y trouveront des manques.
Et, alors, me direz-vous, le divorce existe et quand on en a marre, on n'a que se barrer ! Bien sûr, et 1 couple sur trois en France continue à s'en servir (j'en suis le parfait exemple), et si on ajoute les concubins, la séparation touche un couple sur deux.
Par ailleurs, les ruptures frappent désormais plusieurs fois au cours d'une même vie, parce que, je te le donne en mile, tout le monde recommence ce qu'il n'a pas réussi une première fois (souvent en recomettant les même erreurs et toujours par peur de la solitude).

Là ça devient intéressant.
Car j'ai pu observer, outre ceux qui ne s'aiment plus d'un commun accord (et qui ne méritent pas qu'on fasse une thèse sur eux parce qu'ils font le bon choix), que les couples qui se séparaient n'étaient pas forcément les moins amoureux et que les couples à la dérive (où la trahison, le mensonge et autres vacheries ont trouvé leur place) ne se séparaient pas toujours.
Pourquoi ?
Mmmm...
Et bien, je crois que c'est parce que rares sont les personnes qui agissent directement par amour.
Dans le premier cas, les individus ont voulu changé de vie parce qu'ils la considèrent comme contraire à l'image qu'ils trouvent chez les autres du bonheur ; dans le deuxième cas, ils portent leur engagement comme un sacerdoce (du style, j'ai signé pour en chier, et bien j'en chie, voilà !).
Les premiers partent parce que leur personnalité est soit-disant en danger et que leurs aspirations étaient finalement autres ; les deuxièmes restent parce qu'ils se persuadent qu'ils ont tout pour être heureux et qu'ils sont rongés par la mauvaise conscience de ne plus aimer leur conjoint (rajoute des enfants, et tu es mort !).
Ceux-là fuient la routine en éspérant trouver mieux ; ceux-ci restent alors qu'ils aiment ailleurs.
Dans les deux cas, ils mélangent les signes extérieurs de bonheur avec leur idéal (à différencier du rêve ou du fantasme. L'idéal est ce pourquoi notre être est fait pour trouver son accomplissement).
Les uns courent après une meilleure situation qu'ils ne trouveront jamais parce qu'ils n'auront jamais de cesse de la rêver, quand les autres s'immobilisent, pétrifiés par la peur de reproduire à l'identique là-bas ce dont ils ne veulent plus ici.
Tout cela parce qu'ils n'ont jamais écouté leur coeur et qu'ils sont dirigés par leur raison plus que par leurs sentiments.
C'est tristement affligeant. Pathétique.
(Bon j'ai entendu dire que certain(e)s quittaient leur conjoint(e) pour leur amant(e), mais je n'en parle pas, parce que ce n'est qu'un bruit de couloir que je n'ai jamais pu vérifier par moi-même).
Et c'est leur paradoxe : ils raisonnent mais ne comprennent plus rien à rien. Ils sont perdus. Ne se comprennent pas eux-mêmes, ne comprennent pas l'autre, ne se sentent pas compris par l'autre. Et toute cette incompréhension finie par être confondue avec le désamour, et la tentative de compréhension avec de l'amour. Certains se quittent alors qu'ils s'aiment parce qu'ils ne se comprennent plus sans tenter d'arranger les choses, sans lutter, en baissant les bras. D'autres restent ensemble malgré tout, malgré tous les efforts épuisants pour maintenir un semblant d'amour, dans une immense illusion, en fermant les yeux.
Au final, ils agissent ou n'agissent pas pour de mauvaises raisons, presque toujours par lâcheté, jamais par amour. Et tous pensent faire exactement le contraire.


Alors, moi, je dis (référence au film "le coeur des hommes") :

"Qu'est-ce qu'on ferait si on était moins cons ?"




J'ai résisté à la tentation de mettre le morceau de Lio du même titre que ce post


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