Pink Attitude

Le carrelage de ma salle de bain est... rose !!!
Et même pas un joli rose qui inspire joie et gaieté, voire évoque calme et volupté. Parce que ce rose-là, à la limite, j'aurais encore pu le tolérer.
Mais non, c'est juste rose.
Tout simplement rose.
Basiquement rose.
Scandaleusement rose.
Pour Madame Noire, ça frôle le blasphème. Que dis-je, la provocation éhontée !
Je me souviens avec effroi du hurlement qui est sorti spontanément de ma bouche en découvrant l'horreur. A côté, "Psychose" peut ravaler son célèbre cri.
Je me revois encore faire les 3 pas (ben oui, elle est trop petite ma sdb pour y en faire 100), l'angoisse au ventre, à me bouffer l'index droit en guise de défouloir, à me tirer les cheveux de rage, à me demander comment une telle perversion est possible, à pester contre l'injustice et la cruauté du monde.
Ma souffrance était telle et mon désir de ne plus avoir à le revoir était si fort que je devais, chaque fois que je pénétrais dans ce lieu d'agressivité visuelle, me faire violence pour me retenir de m'y pendre (le rouge du sang coulant des veines de mes poignets aurait fait tâche dans ce décor de poupée défraîchie...).
Mais j'avais signé le bail. Malheureuse !
Et en tant que locataire, il était hors de question de me lancer dans des travaux de rénovation.
Il fallait pourtant que je trouve une solution rapide et efficace à l'hystérie teintée d'humiliation qui me guettait si je ne voulais pas finir enfermée dans un asile d'aliénés (j'aime pas tellement plus le blanc capitonné).
J'ai donc testé, tour à tour, avec toujours le même constat d'échec démoralisant, de :
- ne pas allumer la lumière
- me bander les yeux
- faire 3 km pour aller faire mon brin de toilette chez mes parents (dont la sdb est... marron !)
- ne pas prendre de douche du tout.
Calamité !

Et même si on s'habitue à tout, même au pire (je radote, là), je n'arrivais pas à me résigner.
Trouver un remède à ce mal qui commençait à me ronger le moral devenait vital !
C'est en touchant le fond qu'on peut plus facilement remonter, et c'est en sombrant dans un profond désespoir que me sont revenues en mémoire les leçons de mon existence antérieure de croyante-baptisée-catéchisée-communiée-confirmée.
J'ai donc décidé non seulement de résister à ma vicieuse tentation de destruction massive mais aussi de tendre l'autre joue, non encore rosie.
A ces bonnes résolutions, est venue s'ajouter l'expérience acquise durant mon actuelle vie, dont le bénéfice se confirme au quotidien, qui dicte que l'excès et la démesure aident à supporter la laideur ordinaire.
C'est ainsi que l'on a pu voir Madame Noire coller du rose partout, là il n'y en avait pas (je me suis bien évidemment limitée aux 2m² de commodités ; faut pas pousser mamie dans les orties non plus !) : des fleurs roses, des papillons roses, un abattant rose, un rideau rose, un tapis rose, une brosse à dents rose. Même les bouteilles de shampoing et de savon sont roses !

En voulant soigner le mal par le mal, j'ai peur qu'il ne se soit installé, ce salaud.
En voulant noyé le rose dans le rose, j'ai plongé.
Depuis, je fume des cigarettes roses que j'allume avec un briquet rose. Merci petit Jésus !
Il ne manquerait plus que je fasse repeindre ma voiture et ma panthère en rose, et je pourrais dire adieu à la légende de Madame Noire.
Tout ça pour quelques carreaux en céramique... Je me dis que le prix est cher payé pour avoir tenté de me sortir d'une situation désespérée !

Mais j'interdis quiconque de m'appeler Madame Rose, parce que si ce terrible affront devait arriver, je pourrais me déclarer ce jour-là comme définitivement foutue (il aurait peut-être mieux valu que je me pende tant qu'il en était encore temps...).


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