Que du vent
Il n’a pas de limite ; aucun début, aucune fin.
Il porte les noms que vous donnez à ses différents visages.
Il ne connait pas de frontières, aucun dessein,
Aucun espoir que celui de plus beaux rivages.
Il peux monter si haut, s’abattre si bas, sans jamais souffrir de hauts et de bas.
Il n’a aucun port, aucune attache.
Il poursuit sa route, décide s’arrêter en chemin, peut élire secrètement domicile dans votre jardin.
Il va, il vient.
Il part, il revient.
Mais il est toujours là.
Vous ne pouvez pas le contraindre, le changer, le chasser, ni même le contenir.
Il vous impose son existence comme une nécessité évidente.
Vous pouvez bien vous moquer de sa légèreté mais il vous soumet à sa loi.
Vous pouvez faire semblant de ne pas le voir et pourtant :
Sa présence façonne votre relief, dessine vos contours. Vos rocs les plus solides se font tendres sous son fouet et, sans plus aucune résistance, deviennent les témoins de sa patiente domination.
Il flirte avec vos saisons, épouse vos éléments.
Il soulève les océans et déchaine vos passions.
Il attise le feu.
Les feuilles s’abandonnent à son courant.
Et le ciel pleure parfois sous son joug.
Il traine ses insomnies au sommet de vos montagnes pour s’émerveiller de la beauté de vos aurores.
Il dort sur les nuages, vole près des étoiles, drague la Lune et défie le Soleil.
Il danse avec vos jours et tourmente vos nuits.
Il observe votre sommeil, attend votre réveil.
Il écoute vos confidences.
Il accompagne vos rêves.
Il fait couler les larmes de vos yeux en vous confrontant de face puis devient le réconfort qui rafraichit vos soirs d’été.
Son insolence fait rosir vos joues.
Il fait naître la sueur sur votre corps quand il devient chaud.
Il longe votre dos dans un doux frisson puis vous pique le visage de sa glaciale bise.
Il sait n’être que tendre caresse sur votre nuque pour vous apaiser.
Il fait tourbillonner les jupes des filles et décoiffe les mariées dans un éclat de joie.
Il joue à retourner votre parapluie protecteur.
Il chasse le gris pour vous apporter la lueur, la bonne humeur.
Il fait frémir vos branches, chanter vos oiseaux, valser vos papillons.
Il aime taquiner votre tranquillité.
S’amuse à vous pousser.
Il est le souffle nouveau.
Il est celui qui vous annonce dans un petit filet d’air la sortie du tunnel.
Il guide vos drakkars noirs vers de nouveaux horizons.
Il vous siffle de le suivre.
Ses folles rafales vous déstabilisent et vous font perdre l’équilibre.
Il ne laisse aucun répit à votre illusoire résistance pour faire tomber les voiles, les masques, les barrières, les murs, toutes vos armures qui l’empêchent d’avancer.
Il tape à vos volets, enfonce vos fenêtres fermées, claque vos portes entrebâillées.
Il pénètre votre intimité, parcourt vos sombres couloirs, visite le moindre recoin, se glisse sous votre lit.
Il fait craquer vos chênes et plier vos roseaux.
Il efface vos tourments en balayant les traces, les empruntes, les preuves, les souvenirs, que vous érigez entre lui et vous.
Il écrase sa colère sur vos désirs de protection, abat ses coups sur vos coups bas.
Il devient la frayeur sur votre route vous rappelant qu’il peut tout prendre, tout détruire, ne laisser que désordre, ruines et désolation, jusqu’à entendre l’imploration de vous épargner.
Son abandon insupportable vous ferait suffoquer. Vous ne pouvez pas vivre sans lui.
Vous pouvez le haïr parfois, l’ignorer souvent … mais toujours, vous rêverez qu’il vous emporte ailleurs.
Oui, je voudrais être comme le vent.